« Nous naissons pour ainsi dire provisoirement quelque part et c’est peu à peu que nous composons en nous le lieu de notre origine ; pour y naître après coup et chaque jour plus définitivement ». Rainer Maria RILKE

Stella est le nom de la ville où j’ai grandi. Elle a été fondée par mon arrière grand-père dans les années 30, en pleine essor des bains de mer. Rentrer à la maison peut indiquer un lieu précis mais cela peut aussi englober un espace plus large. Ainsi, durant des années, j’ai photographié la maison : les rues et les habitants de mon village, un besoin viscéral comme celui d’Eugène Atget peut-être. « Être né quelque part» voilà la question récurrente que l’on perçoit au travers des images de Stella. Pourquoi ce lieu ? Pourquoi est-ce chez moi ?

Ce premier chapitre de Stella est une liste d’images syncopées d’une ville de bord de mer : Cinecittà sans Pasolini, désert américain sans western et plage abandonnée sans Gérard Depardieu ni Patrick Dewaere. Car oui, Stella a connu son heure de gloire à l’époque du tournage du film Les Valseuses. Sous la forme d’une bande originale, je fais de Stella un récit aussi fractionné que le temps écoulé, le tout raconté au présent. Souvenirs relatés et images sont mis sur le même plan. Il devient impossible de connaître la datation de celles-ci et c’est bien là le but. En effet, les images de Stella sont faussement documentaires. Sans jamais indiquer à quoi ressemble la ville dans son ensemble, insidieusement, je perds toujours plus le spectateur dans une ville faite de références cinématographiques et de souvenirs que je n’explicite que peu . Ainsi, comme une ville mystère, Stella n’est jamais acquise, elle fascine et intrigue. A dessein, ce lieu secret, que j’ai tant besoin de raconter, reste impalpable et éternel.

« La beauté cachée
Des laids des laids
Se voit sans
Délai délai » Serge Gainsbourg

Stella répond bien à cette métaphore tant elle reste imperceptible pour les visiteurs occasionnels. Au gré des images, je transporte hors de France : westerns spaghettis, rêve américain. La série

propose une cartographie mentale de la ville telle que je la vois, le tout pétri de références personnelles issues de ma passion pour le cinéma. A cheval entre imaginaire et documents réels, passé et présent, ce Stella n’existe que dans mon imaginaire. De mes premières images réalisées en 35mm datant de 2005 aux images plus récentes réalisées au 6×6 ou 6×7, il est possible de voir mon oeil d’artiste s’affiner au fil du temps. En sous-texte, Stella apparaît comme le théâtre de mon apprentissage de la photographie.